Infections et transition démographique au Néolithique en Europe

Une maison du Néolithique de type Danubienne, notamment observée dans le nord de la France. Illustration de Laurent Juhel, 2007, pour le site de l’INRAP.

La transition démographique du Néolithique (souvent abrégée NDT) est une hypothèse largement documentée (et popularisée me semble-t-il). Celle-ci suppose qu’une croissance relativement soudaine de la population humaine dans la première moitié de l’Holocène a été causée, en différentes régions du monde, par l’adoption d’un nouveau mode de vie, sédentaire et agricultural, depuis un mode de vie auparavant nomade, reposant sur la chasse et la cueillette. Cette transition d’un mode de subsistance à l’autre a été propice à l’accroissement du taux de natalité et de la population générale dans les foyers de néolithisation répartis sur plusieurs continents. Dès lors, cette transition démographique a elle-même été propice aux migrations de populations agricultrices et/ou à leur culture vers des régions vierges ou encore peuplées de chasseurs-cueilleurs (Bellwood et Oxenham, 2008).

Les données relevées concernant les indicateurs de santé des populations centre-européennes de la jonction Méso-Néolithique tendent à conforter l’idée d’une transition démographique par ailleurs dommageable aux nouveaux fermiers néolithiques, notamment attestée par la surreprésentation soudaine des jeunes enfants dans les cimetières de ces communautés, et la multiplication des signes pathologiques osseux à tous les âges (Wittwer-Backofen et Tomo, 2008).

Les données ostéologiques ont également permis de supposer que les infections ont dès lors joué un rôle nouveau au sein de ces populations, favorisées par ce mode de vie différent de celui des chasseurs-cueilleurs mésolithiques et participant à terme à l’accroissement du taux de mortalité (notamment par une mortalité infantile draconienne et évitant donc une croissance infinie de ces populations). Mais au-delà de manifestations osseuses la plupart du temps très peu spécifiques quant à leur étiologie, il a progressivement été souligné que les données directes et non spéculatives tendaient non seulement à manquer à ce propos, mais que de surcroît les données génomiques et paléogénétiques acquises depuis le milieu des années 2000 contrecarraient parfois les scénarios tenus jusque-là pour évidents (Armelagos et Harper, 2005). A ce jour, le débat continue et fait l’objet de publications régulières afin de mieux cerner la composante infectieuse de la transition démographique et épidémiologique du Néolithique.

Introduction : quels proxies dans quel contexte

Un article publié en 2019 dans la revue The Holocene passe en revue les données supportant l’hypothèse d’une transition épidémiologique néolithique ayant vu l’augmentation concomitante des épidémies d’origines infectieuses à cette époque, par rapport à l’époque précédente, le Mésolithique.

L’hypothèse de la transition épidémiologique suppose que des changements marqués dans les modes de subsistance de populations anciennes ont de facto entraîné une modification de leur état de santé, notamment par l’augmentation de la fréquence et de l’importance des infections au sein de ces populations.

Cette hypothèse est, rappellent les auteurs de cet article, traditionnellement soutenue par différents arguments :

  1. Les agents infectieux nécessitent une certaine concentration d’hôtes afin de se maintenir. Cette concentration d’hôtes est devenue effective avec la transition de communautés peu nombreuses et nomades, constituées de chasseurs-cueilleurs mésolithiques vers des communautés agropastorales néolithiques, plus peuplées et sédentaires.
  2. La proximité entre les humains et les animaux d’élevage a permis la transmission de pathogènes des uns aux autres.
  3. La contamination des eaux de consommation et la proximité avec les déjections animales a également favorisé cette transmission.
  4. Un régime alimentaire déséquilibré et des stress physiques ont contribué à rendre les individus plus sensibles aux infections, aggravant rétroactivement les effets de malnutrition et mettant particulièrement à risque les jeunes enfants, les personnes âgées et celles n’ayant encore jamais été exposées à une infection donnée.

Mais la situation épidémique d’une infection circulant au sein d’une population ancienne, dont les membres sont par définitions décédés et dont les traces matérielles et biologiques ne nous sont que très superficiellement parvenues, est pour le moins difficile à évaluer. Afin de tester l’hypothèse d’une plus grande importance des maladies infectieuses et des épidémies au Néolithique, les auteurs de cet article se sont intéressés aux proxies archéo et bioarchéologiques éventuellement corrélés à la survenue d’évènements épidémiques. Ils ont ainsi retenu :

  1. L’évolution de la superficie et du nombre d’habitations par communauté néolithique étudiée.
  2. Les changements de pratiques funéraires.
  3. Les mentions de pathogènes infectieux mis en évidence par l’ADN ancien.
  4. L’examen ostéologique de restes humains à la recherche de signes associés aux infections.

La revue de ces éléments s’est concentrée sur un transect géographique courant des Alpes allemandes au massif du Hartz au centre de l’Allemagne, et du Rhin à l’Elbe. La plaine fertile s’étendant dans cette région a en effet été favorable à l’établissement de communautés néolithiques, et a donc livré une importante quantité de sites archéologiques connus. La chronologie retenue couvre une période s’étendant de -5500 à -2500. Celle-ci a été subdivisée en 5 sous-périodes égales.

Les sites néolithiques pris en compte ont été étudiés en fonction du nombre d’habitations présentes, de leur superficie, et du nombre de sépultures, Fuchs et al., 2019.

Les habitations et les pratiques funéraires

Ainsi que l’expliquent les auteurs, chaque proxy se révèle vite questionnable du point de vue de sa pertinence, ou limité par la quantité de données accessibles à ce jour. Ainsi, s’ils utilisent la taille des habitations et leur nombre par site archéologique étudié, les auteurs ont bien conscience que ces paramètres peuvent dépendre de stratégies de résidence ou de préférences socioculturelles ayant peu à voir avec le péril infectieux, sachant que l’organisation exacte de l’espace intérieur de ces habitations est le plus souvent inconnue (ces espaces sont-ils nécessairement destinés à accueillir plus ou moins d’habitants ?). La variation de ces paramètres reste cependant couramment utilisée pour estimer les changements démographiques. Et globalement, la superficie des habitations et leur nombre par communauté tendent ici à décroître significativement au travers des cinq périodes considérées. Les quelques exceptions n’amoindrissent pas cette tendance marquée à travers tout le registre archéologique pris en compte, ce qui veut certainement dire quelque chose, et, de l’avis des auteurs, pourrait être compatible avec une réponse progressive au péril épidémique dans ces communautés néolithiques.

Les pratiques funéraires, à commencer par le nombre de sépultures par site archéologique étudié, peuvent également être investiguées. Là encore, les limites de ce proxy apparaissent bien vite, ne serait-ce que parce que nombre de sites néolithiques n’ont simplement donné lieu à la découverte d’aucun espace funéraire associé. Par ailleurs, et contrairement aux tendances observées pour les habitations, les pratiques funéraires s’avèrent très variables au travers de l’ensemble, ne serait-ce que le nombre de sépultures par site qui tend à varier dans un sens ou dans l’autre au cours du temps. Ces sépultures peuvent par ailleurs faire l’objet de dépôts simples, mais également d’aménagements plus élaborés, parfois mégalithiques, en galeries ou chambres mortuaires. La majorité concerne cependant des sépultures individuelles. Le traitement et la disposition des corps des défunts peuvent également varier chronologiquement et localement, notamment en fonction du sexe biologique des individus. La conclusion des auteurs à ce sujet est ambivalente, puisqu’ils commencent par admettre qu’il n’y a pas d’indication claire d’augmentation anormale du nombre de défunts en rapport à des évènements épidémiques au cours du Néolithique, mais qu’à la fin de cette période cependant, les sépultures multiples apparaissent plus fréquemment (sépultures où l’on revient pour déposer de nouveaux défunts), suggérant des épisodes de mortalités simultanées qui peuvent être en lien avec des phénomènes épidémiques.

Relevés de deux sépultures classiques de la culture dite à céramique linéaire (ou céramique rubanée, en référence aux motifs en forme de ruban ornant les céramiques de cette culture matérielle, souvent abrégée LBK), respectivement sur les sites de Derenburg (A) et Halberstadt (B). Chacun des individu fait l’objet d’une sépulture individuelle, déposé sur son côté gauche, membres repliés. Meyer et al., 2014. Crédits Landesamt für Archäologie und Denkmalpflege Sachsen-Anhalt; after Fritsch et al. 2008, 112, 162.

La paléogénétique

L’on est en droit de penser que les traces directes de présence de pathogènes infectieux par la détection de leur signature moléculaire représenterait le faisceau de preuves le plus marquant. Ce serait effectivement la situation idéale si l’on assistait à une détection accrue de ces pathogènes en fonction de l’importance démographique des communautés par exemple. Quasiment seul moyen de prouver de manière démonstrative -non spéculative- la présence d’un microparasite pathogène en un lieu donné dans le passé, l’approche moléculaire permet en outre de reconstruire des génomes entiers et d’en étudier la diversité chrono-géographique, notamment à la faveur des activités humaines, mais également d’étudier l’évolution des facteurs de virulence et donc, dans une certaine mesure, de la modalité et de la gravité des maladies causées (j’ai pu en parler ici).

Mais contre toutes attentes, le registre paléogénétique des infections au Néolithique est particulièrement parcellaire, au moins pour la région considérée, si bien que les auteurs de cet article considèrent une aire géographique et une période plus large afin de discuter de potentiels candidats aux rôles clefs de la transition épidémiologique néolithique. Il en va ainsi du virus de l’hépatite B (HBV) qui a sporadiquement été détecté chez des individus néolithiques en Allemagne au sein de différentes cultures. Également détecté à l’Âge du Bronze, les reconstructions phylogénétiques du HBV semblent cependant indiquer qu’il circule au sein de l’espèce humaine depuis au moins 15 000 ans, ce qui pré-date de très loin le début du Néolithique en Europe de l’Ouest, et n’abonde en rien dans le scénario de la transition épidémiologique. Les autres pathogènes détectés n’apportent pas vraiment plus d’éclairage, qu’il s’agisse du Parvovirus B19 V, ou de pathogènes bactériens tels Helicobacter pylori (détecté chez la momie du Tyrol Ötzi), ou Mycobacterium tuberculosis (l’agent de la tuberculose).

Dans le cas extrêmement bien documenté de l’agent de la peste, grâce aux travaux paléogénomiques de plusieurs équipes ces dernières années (ici encore), les données obtenues ne permettent cependant pas d’éclairer de manière certaine le scénario de la transition épidémiologique (les incertitudes demeurant sur la période de migration de la bactérie Yersinia pestis en Europe, à savoir le Néolithique ou l’Âge du Bronze ; et l’acquisition des facteurs de virulence nécessaires à un schéma épidémique à une époque tardive quand bien même la bactérie aurait été présente dès le Néolithique).

Comme le remarquent les auteurs, en somme la plupart des pathogènes détectés infectaient très probablement déjà les communautés de chasseurs-cueilleurs pré-néolithiques (HBV, P19 V, H. pylori). Ces détections sont par ailleurs la plupart du temps sporadiques, et lorsqu’elles existent, ne permettent de toutes façons pas de présager des causes exactes de la mort de l’individu chez qui la détection à lieu. En dépit de ce dernier point souligné par les auteurs, il est à noter que la mort des individus infectés n’a pas nécessairement à être causée par l’agent infectieux considéré pour en établir la nature épidémique au sein de la population à laquelle ils appartiennent.

Étonnement, les auteurs n’évoquent à aucun moment la détection de pathogènes endémiques, notamment les parasitoses gastro-intestinales, qui peuvent avoir été d’importants facilitateurs/aggravateurs d’infections épidémiques de même que des marqueurs utiles d’activités humaines et de stratégies de subsistance et de résidence. Ces données, qui existent bel et bien pour le nord de l’arc alpin néolithique (par exemple Le Bailly, 2005 ; ou dans un contexte différent mais similaire Maicher et al., 2017, 2019), auraient certainement mérité d’être prises en compte. Ces parasites ont par ailleurs l’intérêt de pouvoir être couramment détectés par microscopie optique et non pas seulement par l’ADN ancien.

L’ostéologie et les sépultures de catastrophes

Le registre ostéologique est certainement quant à lui l’un des plus satisfaisants, mais non sans limites. C’est en effet au travers de l’étude des marqueurs de stress osseux que la transition épidémiologique néolithique est globalement la mieux documentée, par exemple par l’augmentation des marqueurs d’activités physiques entre les communautés de chasseurs-cueilleurs et les communautés agropastorales, des marqueurs de stress nutritionnels ou de maladies chroniques. Ainsi comme le précisent les auteurs de cet article, si la transition néolithique s’accompagne aussi d’une augmentation de la fréquence et de l’importance des épisodes infectieux, on devrait s’attendre à observer certaines tendances dans le registre ostéologique associé, à savoir :

  1. Une augmentation significative de la fréquence des signes ostéologiques spécifiques ou non spécifiques associés à des infections.
  2. Une fréquence importante des signes et syndromes ostéologiques associés à des conditions de santé dégradée propices à rendre les individus atteints plus sensibles aux infections et à leurs conséquences funestes.
  3. Une plus grande fréquence d’ensembles funéraires clairement identifiés comme des sépultures de catastrophes, d’abord et avant tout par leur courbe de mortalité typique touchant principalement les jeunes enfants, les personnes âgées dans une moindre proportion, et enfin les jeunes adultes en plus faible nombre (on recoupe ici le proxy des pratiques funéraires), mais également par l’analyse taphonomique fine mettant en évidence la simultanéité non ambiguë des dépôts (preuve de l’inhumation soudaine d’un grande nombre de défunts).   

Mais à nouveau, ce schéma idéal devient bien vite évanescent, ne serait-ce qu’en ne considérant la très faible proportion d’infections susceptibles de toucher les tissus osseux et donc de laisser des traces identifiables chez des populations archéologiques dont seuls les squelettes nous sont connus. De surcroît, les agents infectieux laissant à la fois des signes osseux mais qui soient également pathognomoniques (càd caractéristiques de *cette* infection), sont encore moins nombreux. On peut citer en cela Treponema pallidum, l’agent de la syphilis, Mycobacterium leprae, l’agent de la lèpre, ou Mycobacterium tuberculosis, l’agent de la tuberculose. Et il faut encore espérer que tous les éléments ostéologiques nécessaires à l’établissement de tels diagnostics rétrospectifs aient bien été conservés, soient identifiables sans ambiguïtés en dépit des phénomènes diagénétiques, de pratiques mortuaires variables et potentiellement sélectives, et que les individus éventuellement morts avec ces infections aient vécu assez longtemps pour développer des manifestations osseuses de la maladie.

Le Mal de Pott est un syndrome ostéologique spécifique de la tuberculose à son stade osseux.Il est notamment caractérisé par la destruction des corps vertébraux, provoquant l’angulation de la colonne vertébrale. Le cas photographié ici a été observé sur le site néolithique allemand de Rössen : vue par le côté droit, la face ventrale et les corps vertébraux se trouvent sur la droite, et leur destruction pathologique particulièrement visible au niveau de la 12ème vertèbre en partant du haut, Fuchs et al., 2019. Crédits Heidelberg University Hospital, O. Bock-Hensley/Deutsches Tuberkulose-Archiv Heidelberg

Le cas le plus extensivement documenté pour le Néolithique allemand est certainement celui de la tuberculose (TB), qui a notamment fait l’objet d’une recherche systématique chez 118 individus néolithiques répartis sur trois sites archéologiques, datés de la période -5400 à -4800 et appartenant à la culture LBK (Nicklisch et al., 2012). Au sein de ce groupe, 2 individus montraient le syndrome non ambigu du Mal de Pott, caractérisé par l’angulation de l’épine dorsale et spécifique de la TB dans son stade osseux ; et 6,5% des enfants et adolescents (N= 2/31) et 35,1% des adultes (N= 20/57) montraient des lésions non spécifiques mais connues pour être associables à la TB.

De surcroît, 21 individus dont 7 ne montraient pas de traces de TB osseuse ont fait l’objet d’une recherche paléomicrobiologique d’ADN ancien. Sur ceux-ci, 8 se sont révélés positifs, dont 3 de ceux ne montrant pas de manifestations osseuses, furent-elles spécifiques ou non. Entre autres subtilités, il est utile ici de souligner le recouvrement imparfait des résultats selon les marqueurs utilisés, ostéologiques ou paléomicrobiologiques, aussi bien en ce qui concerne l’absence de signature moléculaire du complexe mycobactérien chez des individus porteurs de lésions osseuses (que l’ADN ne se soit pas préservé où que la lésion ait une autre cause étiologique), que l’inverse. En effet, le développement d’un stade osseux de la TB ne concernant qu’une minorité des infections (guère plus de 5% selon toutes vraisemblances), il n’est pas surprenant de détecter des cas en l’absence de toutes manifestations osseuses. Dès lors, celles-ci ne représentent qu’une fraction des cas réels au sein d’une population ancienne. De même, des individus peuvent très bien avoir été infectés et souffrants, sans développer de stade osseux, ou encore l’ADN de la bactérie peut ne s’être pas conservé. D’où l’importance d’une approche multi-proxy, recherchant les manifestations d’un même phénomène au travers de différents indicateurs ne répondant pas tous aux mêmes contraintes.

Or, cette approche exhaustive et multi-proxy ayant porté sur les sites de Derenburg, Halberstadt, et Karsdorf, ne permet pas à elle seule d’étayer le scénario de la transition néolithique. Idéalement, elle devrait être reproduite a minima sur un plus grand ensemble chrono-géographique, porter sur la recherche d’une plus large diversité d’agents infectieux, et si possible leur analyse génomique. Bien entendu, « y-a qu’à-faut-qu’on » est toujours bien plus facile à énoncer qu’à réaliser. Il s’agit néanmoins du type d’approche le plus propice à l’exploration d’une problématique aussi importante.

La reconnaissance d’une fréquence accrue de sépultures de catastrophes peut constituer un ultime (et sans doute le meilleur) élément de discussion. Contre toutes attentes, celles-ci s’avèrent très rares dans le registre ici considéré (toujours l’Allemagne néolithique). Et si cela ne suffisait pas, les cas non ambigus les plus frappants, comme celui des sépultures de Talheim, tendent à dévier de manière évidente de ce que l’on s’attend à observer en cas de surmortalité infectieuse, par une surreprésentation d’hommes adultes montrant une fréquence importante de signes de violences interpersonnelles, si bien que tout porte à croire à un contexte guerrier plutôt qu’épidémique. Le cas exceptionnel des sépultures de Wiederstedt, comportant 8 enfants et adolescents sur 10 individus au total, en l’absence de toutes blessures traumatiques, n’est encore une fois pas suffisant à lui seul et ne peut au mieux que représenter une flambée épidémique locale.

Les sépultures de catastrophes des sites de Talheim (A) et Wiederstedt (B). L’analyse taphonomique ne laisse aucun doute quant à la simultanéité des dépôts, Meyer et al., 2014. Crédits E. Stauß; Landesamt für Denkmalpflege Baden-Württemberg; d’après Price et al. 2006, 263 et Photo: O. Kürbis; Landesamt für Archäologie und Denkmalpflege Sachsen-Anhalt; d’après Meyer et al. 2004, 32.

En dépit d’une tentative -qui me semble très optimiste- de discuter de la pertinence de ne retenir que les cas de sépultures de catastrophes non ambigus en écartant les sépultures individuelles afin d’attester de crises de mortalité, la conclusion des auteurs est néanmoins encore une fois sans appel : les informations ostéologiques actuellement disponibles ne permettent pas de discuter de la composante infectiologique de la transition néolithique.

Conclusion : c’est pas évident

En somme, la réduction de la taille des habitations au cours du Néolithique semble être la seule tendance bien identifiée tout au long de la période, mais ne s’agit-il pas finalement du proxy de loin le moins pertinent ? La fréquence accrue des sépultures multiples à la fin de la période peut en effet être corrélées à cette tendance au niveau des habitations, mais ces sépultures multiples (où l’on revient pour déposer de nouveaux défunts au fil du temps), ne sont pas pour autant des sépultures de catastrophes (un grand nombre de défunts, tous inhumés simultanément ou dans un laps de temps extrêmement court), qui elles s’avèrent très rares. Les données paléogénétiques et ostéologiques s’avèrent quant à elles trop parcellaires pour véritablement éclairer la problématique en l’état actuel, notamment par la détection de pathogènes dont la circulation chez les humains pré-date de toute façon la néolithisation et dont les détections néolithiques sont trop sporadiques pour argumenter en faveur d’une prévalence accrue à cette époque.

In fine, la transition épidémiologique du Néolithique est un phénomène documenté à l’échelle globale. Pourtant, à y regarder de plus près, on constate rapidement les fragilités de ce scénario et la profondeur des problématiques méthodologiques à résoudre pour ne serait-ce que vaguement s’en approcher (sans même parler de ses nuances), comme si, finalement, tout restait en réalité à explorer.

Références :

  • Armelagos et Harper, 2005. Genomics at the Origins of Agriculture, Part Two. Evolutionary Anthropology 14, 109-121. doi: 10.1002/evan.20048
  • Bellwood et Oxenham, 2008. The Expansions of Farming Societies and the Role of the Neolithic Demographic Transition in J.-P. Bocquet-Appel, O. Bar-Yosef (eds.), The Neolithic Demographic Transition and its Consequences (Livre). doi: 10.1007/978-1-4020-8539-0_2
  • Fuchs et al., 2019. Infectious diseases and Neolithic transformations: Evaluating biological and archaeological proxies in the German loess zone between 5500 and 2500 BCE. The Holocene, 29(10) 1545-1557. doi: 10.1177/0959683619857230
  • Le Bailly, 2005. Évolution de la relation hôte/parasite dans le système lacustre nord alpins au Néolithique (3900-2900 BC), et nouvelles données dans la détection des paléoantigènes de Protozoa (Thèse)
  • Maicher et al., 2017. Paleoparasitological investigations on the Neolithic lakeside settlement of La Draga (Lake Banyoles, Spain). The Holocene, 27(11), 1659-1668. doi: 10.1177/0959683617702236
  • Maicher et al., 2019. Spatializing data in paleoparasitology: Application to the study of the Neolithic lakeside settlement of Zürich-Parkhaus-Opéra, Switzerland. The Holocene, 29(7), 1198-1205. doi: 10.1177/0959683619838046
  • Meyer et al., 2014. Mass Graves of the LBK: Patterns and Peculiarities in Alasdair Whittle, and Penny Bickle (eds), Early Farmers: The View from Archaeology and Science Proceedings of the British Academy (London, 2014; online edn, British Academy Scholarship Online, 21 May 2015). doi: 10.5871/bacad/9780197265758.003.0016
  • Nicklish et al., 2012. Rib Lesions in Skeletons From Early Neolithic Sites in Central Germany: On the Trail of Tuberculosis at the Onset of Agriculture. AJPA 149(3), 391-404. doi: 10.1002/ajpa.22137
  • Wittwer-Backofen et Tomo, 2008. From Health to Civilization Stress? In Search for Traces of a Health Transition During the Early Neolithic in Europe in J.-P. Bocquet-Appel, O. Bar-Yosef (eds.), The Neolithic Demographic Transition and its Consequences (Livre). doi: 10.1007/978-1-4020-8539-0_19

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