Bactéries, parasites et virus pathogènes dans le passé

Des questions et des sources multiples

S’intéresser au phénomène infectieux dans le passé recouvre une large diversité de problématiques, depuis l’évolution moléculaire et la diffusion de tel ou tel agent pathogène, jusqu’aux conséquences sanitaires sur les communautés anciennes l’ayant expérimenté, leur compréhension du phénomène et leurs éventuelles tentatives d’y faire face. Cela concerne aussi les conditions environnementales et les interactions ayant rendu ces phénomènes possibles, ce qui peut inclure les activités humaines.

Le papyrus d’Ebers découvert en Égypte au 19ème siècle et aujourd’hui conservé à la Bibliothèque Universitaire de Leipzig en Allemagne, et daté du 16ème siècle avant notre ère, est l’un des plus anciens traités médicaux connus. Photo : Science in Ancient Egypt

Les sources qu’il est possible de mobiliser sont tout aussi diversifiées : traités médicaux anciens et chroniques relatant la survenue d’une épidémie, registres paroissiaux mentionnant les causes de décès, vestiges archéologiques comme la diffusion des léproseries au Moyen-Âge, biorestes macroscopiques fossiles ou subfossiles comme des ossements, biorestes microscopiques comme des formes de résistance parasitaire, ou moléculaires comme des coproantigènes ou des fragments d’ADN signant la présence d’un agent infectieux en particulier dans l’échantillon considéré.

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Infections et transition démographique au Néolithique en Europe

Une maison du Néolithique de type Danubienne, notamment observée dans le nord de la France. Illustration de Laurent Juhel, 2007, pour le site de l’INRAP.

La transition démographique du Néolithique (souvent abrégée NDT) est une hypothèse largement documentée (et popularisée me semble-t-il). Celle-ci suppose qu’une croissance relativement soudaine de la population humaine dans la première moitié de l’Holocène a été causée, en différentes régions du monde, par l’adoption d’un nouveau mode de vie, sédentaire et agricultural, depuis un mode de vie auparavant nomade, reposant sur la chasse et la cueillette. Cette transition d’un mode de subsistance à l’autre a été propice à l’accroissement du taux de natalité et de la population générale dans les foyers de néolithisation répartis sur plusieurs continents. Dès lors, cette transition démographique a elle-même été propice aux migrations de populations agricultrices et/ou à leur culture vers des régions vierges ou encore peuplées de chasseurs-cueilleurs (Bellwood et Oxenham, 2008).

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L’extinction de la mégafaune du Pléistocène en Amérique du nord

Le Pléistocène est une époque qui s’étend de –2 millions d’années à -10000 ans environ.  

Cette période est caractérisée par des épisodes climatiques froids, dits glaciaires, et des périodes de réchauffement, dites interglaciaires. En Amérique du nord (comme en Eurasie), les périodes glaciaires sont marquées par l’expansion d’une calotte de glace depuis le pôle nord, qui pouvait descendre sur une très grande partie de l’Europe et de l’Amérique. La dernière de ces périodes glaciaires s’est terminée il y a environ 10000 ans.

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L’ADN environnemental

Les supports francophones concernant l’étude de l’ADN environnemental ne sont pas courants, aussi je profite de ma lecture récente du livre « Environmental DNA »  chez Oxford pour produire ce billet d’illustration sur le sujet de l’ADN environnemental comme moyen de surveillance et d’étude des écosystèmes. Le livre présente une introduction pointue et actuelle sur le sujet, mais il s’adresse spécifiquement à des chercheurs du domaine.

Publié en 2018, ce livre bien que de référence reste malheureusement particulièrement onéreux pour son épaisseur. A consulter en BU ou à trouver d’occasion le cas échéant.

Bien entendu l’étude de l’ADN environnemental n’est pas une chose fondamentalement nouvelle, mais son développement a été relativement lent, avec une véritable émergence comme champ disciplinaire constitué aux alentours de 2010. Les premiers travaux dans le domaine ont émergés dans les années 80, et les technologies facilitant grandement cette approche de l’étude des écosystèmes sont arrivées sur le marché en 2005. En dehors du coût prohibitif de ces technologies lors de leur mise sur le marché, la lente émergence du domaine peut être rapportée à divers facteurs, depuis le challenge technique représenté par l’extraction de molécules d’ADN présentes dans un échantillon environnemental (comme du sédiment ou l’eau d’un étang), à la dimension transdisciplinaire de l’approche, alliant notamment écologie et génétique.

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La peste : une pandémie millénaire

En 2015, une équipe de l’université de Copenhague a étudié les restes de 101 individus eurasiatiques  issus de différentes aires culturelles de l’Âge du bronze d’Europe et d’Asie centrale (Allentoft et al., 2015). Afin de mieux cerner la diversité et les dynamiques populationnelles de cette époque (3000 à 1000 ans avant notre ère), les chercheurs ont extrait l’ADN présent dans les dents de ces individus de manière non sélective, c’est-à-dire en ne se limitant pas à l’ADN humain qui était leur premier objectif.  Entre autres, il était donc possible de s’intéresser aux éventuelles traces de pathogènes qui auraient pu infecter ces individus.

Après avoir épluché les données extraites, les chercheurs ont ainsi pu mettre en évidence la présence inattendue du germe de la peste, la bactérie Yersinia pestis, et ce à une fréquence particulièrement élevée puisqu’il était détecté chez 7 individus sur 101 (Rasmussen et al., 2015). Cette découverte fortuite était per se extrêmement intéressante, mais l’analyse des génomes allait l’être plus encore. Lire la suite

L’ADN sédimentaire et la paléoécologie du Quaternaire

 

La possibilité d’étudier des molécules d’ADN ancien, à savoir des molécules de l’ADN d’organismes morts dans un passé historique voire géologique, n’a jamais été une évidence avant une époque tout à fait récente. Les premières publications en la matière, dont celle de Russell Higuchi en 1984 (Higuchi et al., 1984), généralement retenue comme l’étude princeps, passaient alors pour de la science-fiction. Si leurs méthodes et leurs résultats paraissent aujourd’hui modestes ou banals, c’est que la discipline paléogénétique a depuis 20 ans connu plusieurs petites révolutions.

L’une d’elles a consisté, depuis le milieu des années 2000, à rechercher les molécules d’ADN ancien non plus directement dans les restes conservés des organismes eux-mêmes (des os, des graines…), mais dans Lire la suite

Everything comes down to poo

C’est un incontournable de la vulgarisation scientifique rigolote. On aime détourner l’une des scènes mythiques du premier Jurassic Park pour les introduire, on aime passer en revue tous les synonymes plus ou moins vulgaires qui servent à les nommer, on aime évoquer les tabous sociaux qui les entourent, je parle bien entendu des déjections humaines, ainsi que celles des autres animaux.

C’est que ces restes organiques a priori peu engageants s’avèrent en réalité de véritables petits trésors qui, systématiquement récoltés et minutieusement étudiés, peuvent révéler Lire la suite